Quand le désarroi se fait lyrique
Livres lu, par Michèle Mazel
Les Juifs, Charlie puis tous les nôtres
Brigitte Stora, Le Bord de l’Eau, 2016
Que sont mes amis devenus… C’est à Ruteboeuf que Brigitte Stora a emprunté le nom de cette chronique désenchantée. Pourtant, si le baladin du XIIIème concluait tristement « Ce sont amis que vent emporte /et il ventait devant ma porte/ aussi le vent les emporta » ce n’est pas le vent qui a emporté les amis de Brigitte. Publiciste et chanteuse à son heure, ne cachant pas qu’elle a été de gauche et même d’extrême gauche, elle ne trouve plus ses marques dans un monde où être juif c’est être coupable, où le sionisme est qualifié de racisme et Israël voué aux gémonies – un monde où se retrouvent tant de ses amis d’hier.
« Depuis des années nous assistons à une lente criminalisation des Juifs par certains et au désarmement méthodique de ceux qui seraient tentés de s’y opposer…je croyais que le premier meurtre des Juifs allait réveiller ces intellectuels pyromanes, qu’ils prendraient enfin compte de leurs responsabilités… mais rien ou pire. » A petites touches, à travers souvenirs et anecdotes, elle évoque son désarroi grandissant. Le jour où son gamin est traité de « sale juif » à l’école. C’était en 2000. Elle va voir la directrice qui lui répond « Tout cela est de la faute à Sharon. » Et puis il y a eu Durban « un pogrom médiatique » Mais la fracture, la vraie va se produire avec l’assassinat d’Ilan Halimi. « Mes anciens camarades ont appelé à ne pas manifester…C’est donc cela le prix à payer pour leur alliance contre nature avec les islamistes : l’abandon des Juifs. Car cette manifestation autant que le crime en est une démonstration : les Juifs sont seuls…Pour les libertés et la solidarité internationale…contre le racisme et pour les droits, c’est la gauche normalement qui manifeste, c’est elle qui s’est toujours mobilisée. C’est elle aujourd’hui qui nous manque. Et qui nous manquera. »
Stora suit avec effarement l’engouement de la gauche pour l’Islam, l’identification totale avec la cause palestinienne et la démonisation croissante d’Israël. Stéphane Hessel, le résistant d’hier, se déchaine contre l’état juif dans un pamphlet qui se vend à des millions d’exemplaires. Il rencontre Ismail Hanyie. On le voit scander « Israël assassin » dans une manifestation. Et en 2011 il écrit « J’affirme ceci : l’occupation allemande était, si on la compare par exemple avec l’occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens, une occupation relativement inoffensive. » Non que Brigitte Stora ménage ses critiques vis-à-vis de la politique d’Israël ; elle avoue attendre que Netanyahu quitte le pouvoir, que l’on reparle enfin de paix. Pourtant, reconnait-elle, « Près de cinquante pays musulmans n’ont rien de plus urgent que de souhaiter, depuis sa création, la disparition de l’Etat juif. Un pays plus petit que la Bretagne. Israël suscite plus de passions et de haine que l’ensemble des autres conflits sur cette planète… » L’attentat contre Charlie, les Juifs assassinés de l’HyperCasher, les attentats de novembre 2015 n’ont rien changé. « Le nom « juif » est redevenu le point fixe et obsessionnel de la haine. » Que sont mes amis devenus….
Michelle Mazel, scrittrice israeliana nata in Francia. Ha vissuto otto anni al Cairo quando il marito era Ambasciatore d’Israele in Egitto. Profonda conoscitrice del Medio Oriente, ha scritto “La Prostituée de Jericho”, “Le Kabyle de Jérusalem” non ancora tradotti in italiano. E' in uscita il nuovo volume della trilogia/spionaggio: “Le Cheikh de Hébron”. Le sue recensioni sono pubblicate sull’edizione settimanale in lingua francese del Jerusalem Post.